Soif de reconnaissance

Il faut être un homme vivant et un artiste posthume.
— Jean Cocteau
Chiharu Shiota, The Key in the Hand

Chiharu Shiota, The Key in the Hand

La reconnaissance est un vaste sujet, et si de nombreux artistes ont fait l’objet d’une reconnaissance à titre posthume, je doute que chacun de nous pourrait se contenter d’être reconnu après sa mort.

Il me semble que la reconnaissance est à la fois ce qui précède une réalisation : la quantité nécessaire de confiance en soi pour oser se lancer dans une entreprise dont on ne connaît pas l’issue, et ce qui lui succède : la façon dont le public reçoit une réalisation terminée et les signaux d’appréciation qu’il envoie.

Mais de qui vient la reconnaissance et sous quelle forme ? Tentons ici une segmentation grossière en 4 images :

Si la reconnaissance vient de mes proches et qu’ils ne sont pas experts du domaine dans lequel j’exerce, on peut alors parler d’amour inconditionnel : ces proches me soutiennent et apprécient la personne que je suis devenue, quelles que soient mes réalisations.

Si parmi ces proches, certains sont experts de mon domaine, dans ce cas leur reconnaissance est une forme de validation que je suis sur le bon chemin et que je peux continuer sur la même voie.

Lorsque la reconnaissance vient du grand public, que je ne connais pas, et qui n’est pas expert de mon domaine, dans ce cas, elle vient souligner l’adéquation entre mes réalisations et les goûts ou les besoins de l’époque. La reconnaissance du grand public m’indique que ce que je fais est en résonance avec l’époque et ce dont elle a besoin : c’est le succès.

Et lorsqu’au sein de ce grand public, certains sont experts de mon domaine et saluent mes réalisations, on peut alors parler de consécration.

Mais cette segmentation grossière laisse de côté de nombreux critères, tels que la reconnaissance financière, les évaluations, l’estime de soi, et comporte un biais lié à mes propres perceptions : je donne à l’expertise une place particulière, et je ne valorise pas de la même manière la reconnaissance qui vient des « experts » et celle qui vient des « non-experts », si tant est que l’on puisse définir de quelle expertise il s’agit. Pour d’autres personnes, cette notion d’expertise est totalement superflue et c’est la reconnaissance financière qui agit comme un marqueur clé.

En somme, l’objectif est de savoir de quelle reconnaissance chacun de nous a besoin, venant de qui et sous quelle forme, puis de mettre en oeuvre les moyens d’obtenir cette reconnaissance. Tentons ici un graphique plus complet pour représenter les axes possibles de la reconnaissance et la façon dont on évalue le besoin que l’on en a et la quantité que l’on reçoit.

SpiderReconnaissance.png

Dans le monde artistique, la valorisation financière des oeuvres est sujette à débat et certains artistes ne supportent pas l’idée même de la monétisation de leur art. Quand l’excellent peintre Benn de l’Ecole de Paris refuse la proposition d’investisseurs qui veulent valoriser son œuvre, le peintre Bernard Buffet, lui, accepte cette même proposition. Aujourd’hui, alors que l’un reste peu connu, l’autre est devenu une figure incontournable de la peinture expressionniste française.

Certains artistes en avance sur leur époque n’auront jamais le “succès du public” de leur vivant, mais obtiendront la reconnaissance de la “postérité”. Enfin, la personnalité de l’artiste, en reflet du type de reconnaissance dont il a soif, accentue certaines dimensions : Salvador Dali ou Jeff Koons ont des personnalités extraverties et font de leur art un terrain de jeu de communication et de mise en scène qui accentuent et démultiplient le succès du public.

Dans l’entreprise, la reconnaissance est aussi essentielle que dans le monde de l’art : elle est le carburant qui permet à chaque collaborateur de s’engager dans son travail et donner le meilleur de lui-même. Et là aussi, elle se présente sous des formes multiples et n’a pas le même impact selon les personnes. Il s’agit donc de bien se connaître pour comprendre de quelle reconnaissance on a besoin, de s’accorder à soi-même une part de cette reconnaissance et d’améliorer son estime de soi, d’exprimer ce dont on a besoin auprès des personnes dont on cherche la reconnaissance, et d’être également attentif aux signes de reconnaissance dont notre entourage personnel et professionnel a besoin ! Vaste programme, je vous avais prévenus ;)

Et vous, où en êtes-vous en matière de reconnaissance et à quoi ressemble votre Spider Reconnaissance (le graphique plus haut) ?

Comment nourrissez-vous le besoin de reconnaissance des personnes qui vous entourent, et comment vérifiez-vous que ces signes de reconnaissance sont les plus appropriés ?

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