Choisir son acoustique

Les musiciens le savent bien : jouer dans une église ou en plein air ou dans une salle de concert sont trois expériences de jeu totalement différentes, pour eux-mêmes comme pour ceux qui les écoutent.

L’acoustique a en effet des conséquences multiples : sur la qualité de perception des sons des autres musiciens, l’atténuation des bruits éventuels venant du public ou de l’extérieur, la qualité d’écoute et de concentration possible, ou encore le plaisir ressenti par les musiciens…etc. Tous ces éléments ont des effets majeurs à la fois sur le son, les musiciens et le public.

C’est pourquoi l’acoustique des salles de concert est une science à part entière, et le métier d’acousticien un élément clé dans leur conception. Par exemple, l’acoustique de l’Auditorium de Radio France, où chaque son est d’une précision et d’une proximité remarquables, a été réalisée par Yasuhiha Toyota, avec de nombreuses techniques et matières différentes qui permettent aux sons de se propager de manière optimale sans aucune amplification artificielle : une armature de béton posée sur des boîtes à ressorts, des réflecteurs en bois à tous les balcons et sur le plafond entier, et des choix de matériaux et de masse par m2 extrêmement précis. Dans le cas des salles d’opéra, les textes chantés doivent être compréhensibles, donc le public est placé encore plus près de la scène, dans de nombreux balcons sur plusieurs étages, pour permettre une forte proportion de “sons directs” parmi l’ensemble des sons qui parviennent aux oreilles des spectateurs.

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L’acoustique est tellement essentielle dans une salle de concert que lorsqu’un incident survient et la modifie, c’est un véritable scandale qui éclate, comme à Carnegie Hall en 1986 après une longue période de travaux de rénovation : Le concert de réouverture a révélé un changement majeur de l’acoustique, devenue beaucoup plus pauvre et sèche, et de longs mois de recherche n’ont pas suffit à expliquer ce changement brutal. C’est seulement lorsque le sol de la scène fut refait que la vue d’une large fissure de la dalle permit de comprendre enfin, et de réparer, l’acoustique de Carnegie.

Mais bien avant l’apparition du métier d’acousticien, les hommes préhistoriques, il y a 100 000 ans, utilisaient déjà les principes acoustiques pour renforcer l’impact des sons émis : ils choisissaient dans les grottes les espaces dans lesquels la réverbération était la plus forte pour réaliser les peintures rupestres qui accompagnaient les rites de préparation à la chasse. Ces rites, composés de chants et percussions, devaient en effet produire l’effet le plus fort possible pour maximiser les chances de succès de l’expédition, le courage et la force des chasseurs, et renforcer la coopération dans le groupe, comme le suggère Ted Gioia dans A subversive history of Music.

Aujourd’hui, les modes de travail plus flexibles et nomades ainsi que la multiplication des open spaces et des tiers lieux tels que les Fab Lab ou les espaces de coworking font apparaître la nécessité de penser le son de manière approfondie : si vous avez déjà essayé de travailler dans un espace de coworking, assis à côté d’une personne plongée dans une visio-conférence et à proximité de la machine à café où deux membres du coworking échangent des nouvelles de la semaine, vous avez une idée de l’enjeu de l’acoustique sur votre concentration !

La variété des usages du coworking et des rythmes de travail a en effet pour conséquence un volume sonore parfois incompatible avec la concentration, et le manque d’intimité acoustique est le motif d’insatisfaction le plus élevé des occupants d’espaces de travail ouverts, selon une étude de l’Université de Sydney en 2013, dirigée par Jungsoo Kim et Richard de Dear.

A titre individuel, le besoin de concentration et d’auto-motivation peut donc nécessiter à certains moments un environnement calme ou, à défaut, imposer le port d’un casque audio avec de la musique propice à la concentration. Selon la chercheuse Anneli Haake et son étude “Individual music listening in workplace settings: An exploratory survey of offices in the UK“ University of Sheffield UK 2011, il vaut mieux privilégier les musiques sans paroles, car ces dernières ont tendance à capter l’attention du cerveau et freiner la concentration, comme le font les bruits de conversations voisines.

Et à titre collectif lors la conception d’un lieu de travail, il est nécessaire de tenir compte de cette variété d’usages, de la propagation des sons, et de la nécessité d’une intimité acoustique réelle. Pour cela, plusieurs pistes peuvent être explorées : distinguer des espaces réservés au silence et des espaces réservés au bruit, distribuer des casques audio (même sans diffusion de musique, ils atténuent la perception du bruit), mettre en place des colonnes d’absorption des bruits… et idéalement, étudier le mobilier et la disposition des bureaux avec un acousticien !

Mais le confort des salariés n’est pas la seule raison de bien choisir son acoustique: un discours prononcé sans micro en plein air n’aura pas du tout le même effet que le même discours prononcé dans une grande salle avec parquet au sol et baies vitrées. Pour tester l’acoustique de la salle et la réverbération, frappez dans vos mains et écoutez la propagation du son et vous saurez rapidement comment “sonne” la salle et quel impact pourra avoir votre discours sur son auditoire !

Même en visio-conférence, la réverbération et l’acoustique de votre bureau jouent un rôle clé dans le degré de clarté de vos paroles : pensez à réduire la réverbération par des tapis et coussins, ou équipez vos murs de panneaux acoustiques pour améliorer la qualité de votre son. Et si vous vous lancez dans une carrière de youtubeur, vous saurez tout sur la mousse acoustique ici ;-)

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