Régulation émotionnelle

Ecouter une musique triste nous fait du bien, paradoxalement. C’est ce qu’ont démontré Liila Taruffi et Stefan Koelsch, deux chercheurs de la Freie Universität de Berlin, en 2014 : dans la palette d’émotions qu’une musique triste nous fait ressentir, les émotions plutôt positives dominent, telles que la nostalgie, la quiétude et la tendresse. Cette étude permet de mieux comprendre pourquoi la musique triste a un effet réconfortant :

  • elle stimule notre empathie en nous faisant ressentir l’émotion du compositeur, et diminue ainsi notre sentiment de solitude

  • elle nous autorise à explorer, en sécurité et à notre rythme, toute l’étendue et les nuances de notre tristesse

  • elle possède un effet cathartique : l’expression symbolique de nos passions permet de mieux nous en libérer (“Katharsis” : purification)

Dans l’entreprise, les émotions “négatives” telles que la peur, la colère ou la tristesse, n’ont pas la cote : les managers sont souvent priés de ne pas montrer leurs émotions, de ne pas pleurer ni se mettre en colère…. en quelque sorte priés de ne pas être trop vivants. Pourtant, bon nombre de nos comportements et de nos pensées ont bien pour origine nos émotions, et l’interdépendance entre cognition et affect rend essentielle la compréhension de l’un comme de l’autre. Il y a d’ailleurs une telle complexité dans les interactions entre cognition et affect, que nous avons tout intérêt à bien connaître nos émotions pour choisir de manière consciente ce que nous en faisons, leur permettre d’être utiles aux processus cognitifs et favoriser des décisions positives, éclairées.

Sans compter que l’empathie déclenchée par le partage d’une émotion est une source de cohésion forte dans un groupe, et nous avons tous fait l’expérience de liens renforcés par l’expérience conjointe de moments douloureux. Alors si la musique peut nous réguler émotionnellement aussi bien que l’étude plus haut le suggère, comment pouvons l’utiliser dans l’entreprise, pour réguler l’émotion sans l’étouffer ?

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Passer au-dessus du seuil inférieur

Tout d’abord, si l’excès d’émotion nous fait craindre le débordement et le blocage cognitif, il faut reconnaître que l’insuffisance d’émotion est tout aussi dommageable : elle empêche la stimulation, la motivation et le bon fonctionnement de l’intelligence individuelle et collective.

Alors dans les moments d’atonie, la musique nous permet d’augmenter la stimulation, comme le font les athlètes à l’entraînement - la musique est interdite en compétition -. Pour ma part, Gossip est une valeur sûre. Quelle est la vôtre ?

Revenir en-dessous du seuil supérieur

Lorsque l’excès d’émotion est là et que le débordement nous guette : explosion de colère, crise de larmes, surexcitation, crise de panique… nous sommes dans une zone où la pensée complexe est bloquée et où nous sommes incapables de raisonner et agir de manière avisée, donc il est utile de savoir redescendre de quelques crans… mais sans bloquer l’émotion, source vitale d’information et d’action!

Parmi toutes les solutions qui existent : s’arrêter, respirer, méditer, sortir faire un tour…. on peut aussi s’appuyer sur la musique.

Si je devais faire une playlist de régulation émotionnelle, je pense que Nina Simone y aurait une place de reine. Quand j’écoute sa voix, j’ai la sensation qu’une amie me pose délicatement une couverture douce sur les épaules, et s’assoit à côté de moi ;)

Et en groupe ?

Dans un groupe, la régulation est tout aussi nécessaire que pour un individu, d’autant que la multiplicité des sources de tensions et d’émotions est renforcée par le nombre des membres et par la pression qui s’exerce sur l’organisation. Les non-dits, les frustrations, les conflits latents, les susceptibilités, les dysfonctionnements et les déséquilibres : dans un groupe, il y a en permanence des dissonances qui engendrent des émotions potentiellement fortes et contagieuses.

Alors comment réguler un groupe ?

Tout d’abord en s’occupant de ses besoins psychologiques, qui sont encore plus variés que ceux d’un seul individu : tisser des liens interpersonnels de bonne qualité, reconnaître le travail accompli, écouter les avis, reconnaître l’engagement des membres du groupe, accorder des moments de calme et de répit, laisser de la place à la détente, à la légèreté et à l’humour, favoriser l’expression des créativités, stimuler les challenges et les défis…. l’état de santé du groupe dépendra en grande partie de l’attention portée à ces besoins psychologiques.

Ensuite, en acceptant de “perdre” du temps pour s’occuper des émotions et exprimer les frustrations et les non-dits, reconnaître et accepter les limites et les erreurs, renforcer la sécurité psychologique du groupe, et envisager un coaching d’équipe qui cadre ce processus.

Et lorsque l’excès d’émotion est là, les façons de revenir en-dessous du seuil de tolérance sont variées : demander le silence, mettre en avant la voix d’une personne qui rassure, inviter à la pause et au calme, faire respirer le groupe…. ou chanter ensemble. Oui, cela paraît farfelu, mais c’est probablement une des manières les plus efficaces et les plus douces pour faire “redescendre” la pression, à l’image des nouveaux-nés à qui l’on chante une berceuse pour calmer les pleurs et hoquets, ou à l’image des militaires qui chantent pour réduire l’impact négatif de la peur et de la fatigue.

Et si c’est un mouvement de panique qui se déclenche et qui nécessite d’enclencher des méthodes de survie, voici les explications lumineuses et drôles du chercheur Mehdi Moussaïd:

Et vous, comment régulez-vous vos émotions? Dans les groupes dont vous faites partie, quelles formes de régulation avez-vous déjà expérimentées? Et quelles sont celles qui fonctionnent particulièrement bien?



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