Jouer des émotions

La musique nous crée un passé que nous ignorions et éveille en nous des chagrins qui avaient été dissimulés à nos larmes
— Oscar Wilde

Quand on se penche sur les liens entre la musique et les émotions, on découvre un monde infini, d’une richesse inouïe, mais dont les expériences individuelles et collectives sont soumises à tant de variations de perception, de culture et d’expérience individuelle qu’il semble vain de tenter une analyse. Mais on tente quand même, car on est bien au cœur du sujet…

La dopamine, la musique et la drogue

En 2010, les chercheurs de l’Institut neuroscientifique de Montréal dirigés par Robert Zatorre publient une étude majeure dans la revue Nature Neuroscience. Ils observent la libération de dopamine en réaction à l’écoute d’une musique agréable. Les chercheurs découvrent ainsi que certains réseaux impliqués dans l’écoute de la musique touchent le circuit de la récompense, responsable de la dopamine, et identifié il y a plus de 50 ans chez les animaux et chez l’humain comme essentiel à leur survie.

La musique active donc le circuit de la récompense, comme les drogues, le sexe, l’alcool, et les victoires en tous genres !

Toutes les musiques ? Non. Celles que notre cerveau identifie comme plaisantes. Vaste domaine, fortement culturel, et largement individuel, mais avec quand même quelques grandes lignes.

Les Yawalapiti et Maria Callas

Un reportage de 2014 (extrait ci-dessous) montre que les membres de la tribu amazonienne des Yawalapiti, qui n’ont jamais eu de contacts avec l’Occident, éprouvent des émotions semblables aux nôtres devant Maria Callas et Mickael Jackson (les choix des chercheurs mériteraient une étude à eux-seuls! ;). Il y aurait donc peut-être une forme commune de libération de neurotransmetteurs dans le cerveau sous l’effet de l’écoute de musique, en partie indépendante de notre environnement culturel ?

Beethoven et Lomepal

Pourtant, l’émotion que je ressens en écoutant le Tuba Mirum du Requiem de Mozart ou le 3eme mouvement du triple concerto de Beethoven paraît totalement incongrue à mes grands adolescents qui de leur côté font leur stock de neurotransmetteurs avec Lomepal.

Alors comment y voir clair sur ce qui produit quoi ? Probablement en testant, écoutant, ressentant.

Quelle est la musique qui vous donne le plus d’énergie ? Celle qui vous rend serein ? Celle qui vous met en joie ? Ne cherchez plus, vos prochains neurotransmetteurs sont là à portée de main !


Et dans l’entreprise ?

La musique, comme toute forme de communication, est une manipulation. Pas nécessairement perverse heureusement, mais elle a un effet manifeste sur ceux qui l’écoute.

Les Mc Donald’s l’ont bien compris, qui diffusent une musique plutôt énervée vers 12h30 pour que l’on ne s’attarde pas à table, et plutôt très douce vers 15h00 pour allonger le temps de présence des clients et donner envie à d’autres d’entrer aussi…

Les parkings Indigo ont même lancé leur propre radio, qui diffuse un programme de musique classe qui va “de Monteverdi à Brahms” pour créer “un climat apaisant et élégant dans l’univers du stationnement”. Moi, j’aime bien :)

Mais à part ces formes de manipulations plus ou moins habiles utilisées en marketing sonore, quelles autres formes de musique pourraient permettre de redonner le moral à une équipe qui vient de subir un revers ? à un département qui s’apprête à relever un défi ambitieux ? à un dirigeant qui prépare un discours et cherche à être serein et concentré ?

Des études ont par exemple prouvé que la musique baroque et classique dans des rythmes lents permettaient la création d’un environnement stimulant pour les travaux intellectuels, ainsi que des améliorations de la concentration, de mémoire ou encore des perceptions spatiales.

Et en matière de santé, les recherches vont bon train également : l’Organisation mondiale de la santé a publié en 2019 un rapport consacré aux effets de la musique – et à ceux de l’art en général – sur l’amélioration de la santé et du bien-être.

Pour leur rapport, les spécialistes de l’OMS ont analysé près de 900 études. Ils ont découvert bon nombre d’effets positifs : réduction de l’anxiété et de la douleur, baisse de la tension artérielle, diminution de certains effets secondaires dus aux traitements anticancéreux (nausées, fatigue). Selon les chercheurs, écouter de la musique serait une expérience totale pour notre cerveau. En effet, la musique ne fait pas seulement appel à un seul endroit dans notre cerveau, mais elle stimule également les aires motrices, la mémoire ou encore les émotions. De récentes études menées sur des grands prématurés en Suisse ont même montré que « les sons renforçaient le développement des réseaux cérébraux ». Et selon des tests cliniques effectués sur ces prématurés âgés aujourd’hui de 6 ans, il semblerait qu’ils aient « une meilleure capacité à réguler leurs émotions ».

Et vous, quelle serait la playlist qui vous permettrait d’être aujourd’hui à votre “natural best” selon l’expression de Simon Sinek ? Quelle serait la playlist de votre entreprise ou de votre équipe en ce moment ?

Choisissez bien car ce ne sera pas neutre ! ;)

Précédent
Précédent

Les gammes

Suivant
Suivant

Coordination spontanée