L’inattendu

Les sons surprenants, les surprises de certaines notes, les changements de rythmes ou les timbres inhabituels : ce sont souvent les éléments inattendus qui provoquent dans nos sens et notre cerveau cette onde de plaisir à l’écoute de la musique.

Par exemple, dans ce morceau de Vincent Delerm, il y a un son de piano surprenant, comme s’il s’agissait d’un vieux piano aux touches usées et enfoncées, que l’on aurait retrouvé dans un grenier. Et ce son de vieux piano me cueille immédiatement : l’attention est captée, des images affluent - je n’ai pas vu le film -, accompagnées de sensations de douceur et de nostalgie. Et lorsque les notes de la basse et la batterie arrivent (minute 1’01’’), inattendues aussi pour accompagner ce vieux piano, ces nouveaux éléments viennent amplifier et renouveler les sensations.

Ou bien lorsqu’un sifflement devient un instrument de musique, comme dans cette chanson de Bon Entendeur. Le son n’est pas vraiment inhabituel, mais la façon dont ce sifflement devient la seule mélodie et la seule voix de la chanson déclenche chez moi une forme de légèreté réjouissante.

Alors je me demande comment nous pourrions laisser l’inattendu œuvrer dans nos vies comme il œuvre en musique : accepter de se laisser cueillir par des sons inhabituels, par des surprises et tous ces éléments que l’on n’attendait pas.

Avec un vrai obstacle : l’inattendu en musique semble relativement inoffensif et on peut se laisser emporter par une musique sans risquer sa vie.… surtout lorsque Spotify présélectionne les morceaux qui pourraient nous plaire en fonctions de nos précédentes écoutes!

L’inattendu de nos vies est autrement moins sécurisant et filtré que ces sons musicaux. Et pourtant, il y aurait probablement beaucoup à gagner à accueillir l’inattendu avec la même ouverture et curiosité que celles que nous avons en musique. Une sorte de “oui” par défaut, à tout ce qui vient, en acceptant de se laisser cueillir. Chiche?