Lumière !

Dans la même semaine, je me plonge dans la lecture du récit de Jacques Lusseyran, Et la lumière fut, et j’ai rendez-vous avec Mara Dobresco pour qu’elle me raconte sa vision du métier de pianiste concertiste. Ces deux rencontres sont lumineuses et me donnent envie de les rapprocher.

Jacques Lusseyran est devenu aveugle à l’âge de 8 ans, entré dans la résistance à 18 ans, puis arrêté et déporté à Buchenwald, où il parvient à survivre. Dans son livre Et la lumière fut, on découvre un monde fascinant de sensations, couleurs, lumières, joie pure et espoir permanent, très loin des représentations que l’on se fait de la cécité. Jacques Lusseyran, aveugle et plongé dans l’horreur, perçoit la lumière dans toute chose et tout être.

Mara Dobresco, grande pianiste contemporaine, a enregistré un album entier de nocturnes et berceuses qu’elle a appelé Soleils de nuit. Et cet album est si lumineux et doux que l’obscurité semble en effet remplie de soleils qui surgissent de tous côtés et vous enveloppent de leur chaleur.

Or lorsque Mara Dobresco me raconte son enfance en Roumanie, les leçons de piano avec une professeure tyrannique, les Noëls familiaux où trois oranges font office d’unique cadeau, et la responsabilité d’une carrière de pianiste prodige débutée à 8 ans…. je me dis que la résilience de Mara et celle de Jacques se ressemblent, et a fait d’eux des sources de lumière pure et généreuse : Et la lumière fut, Soleils de Nuit.

La lumière unique de Mara trouve probablement son origine dans sa recherche d’authenticité et de cohérence absolues : “à partir du moment où tu acceptes de ne pas être aimée pour ce que tu fais ou pour ton art, cela devient une évidence extraordinaire : tu peux être entièrement dans le vrai, et affirmer qui tu es. Il n’y a pas d’équilibre possible lorsque l’on regarde partout à gauche, à droite, dans l’espoir de se trouver.”

Au dernier festival de la Roque d’Anthéron, devant un public masqué et limité en nombre par les protocoles sanitaires, Mara Dobresco a choisi d’interpréter la sonate n°31 opus 110 de Beethoven, composée après une longue et douloureuse maladie. Cette sonate contient à la fois la douleur de la maladie, l’angoisse de la mort, et toutes les couleurs et joies pures de la vie. Le public pleurait encore, une heure après le concert, en disant à Mara “on a vécu un moment rare”. Ce sont des mots que Mara entend désormais régulièrement à la sortie d’un concert, comme si le fait d’avoir trouvé sa propre vérité permettait à tous ceux qui l’écoutent d’entendre la leur.

Merci Mara Dobresco !

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