Gestes parasites

Vrai ou faux : les poissons se soufflent un peu sur la nuque avant d’aller dans l’air
— Alain Chabat, Burger Quiz

Aujourd’hui, on fait un petit tour dans le monde des questions absurdes et utiles : comment chasser les gestes parasites ?

A la recherche du geste le plus fluide et efficace possible au violon, je me surprends à faire un lien entre la difficulté que j’éprouve à trouver le bon équilibre au violon, et la facilité que j’ai à le trouver quand je nage.

Dans le premier cas, j’ai la sensation d’être souvent agrippée au violon ou à l’archet, le doigt crispé sur une note qu’il ne veut pas lâcher pour assurer la justesse de la suivante, l’avant-bras droit cherchant son utilité entre un poignet presque trop souple et une épaule un peu trop haute… Bref, c’est la défaite, et la recherche du mieux est ardue. J’ai l’impression de devoir jouer sur vingt paramètres en même temps, sans savoir dans quelle direction aller pour chacun d’entre eux, ni être certaine de bien entendre la différence sonore entre les différentes tentatives. Quant à tenter de modifier une partie de geste “toutes choses égales par ailleurs” pour ne pas perturber l’interprétation du résultat, c’est peine perdue, tout bouge en permanence.

Lorsque je nage le crawl, par contre, c’est fluide. Chaque membre et chaque articulation trouve sa juste place, et lorsque je veux aller plus vite, ou faire moins de mouvements de bras, ou économiser les jambes, je sais sur quels éléments jouer, quels appuis modifier et comment utiliser l’eau pour accompagner le mouvement. Les gestes sont fluides, avec peu de bulles et peu de vagues, et le corps fait alliance avec l’eau.

C’est tout le contraire de ce qui se passe pour moi au violon, où j’ai la sensation de batailler contre l’air, contre les lois de la physique, et où je n’arrive que partiellement à faire alliance avec le violon et l’archet pour produire des gestes fluides et efficaces, laissant sortir le son et toutes ses résonances.

Mais au moment même où je pose ces éléments, je m’aperçois que la principale différence entre les deux expériences se situe dans la tête : pour la première, elle turbine à fond, tentant de réconcilier les notes de la partitions, les gestes, ce qu’elle entend et ce qu’elle voudrait entendre. Dans l’autre, elle est au repos, c’est le corps qui est en première ligne et qui cherche tout seul ses appuis, sans que la tête intervienne.

Alors comment accorder plus de place au corps dans les gestes avec le violon ?

Déverrouiller les genoux, détendre les épaules, faire des échauffements doux avec le cou et les bras, quelques expirations, pour mettre le corps en première ligne avant de saisir le violon. Et probablement aussi mener un autre cheminement parallèle : celui d’oublier les consignes que j’avais reçues au conservatoire sur la manière de tenir le violon et l’archet : Accepter que le corps trouve lui-même des gestes et des positions qui lui facilitent la tâche et permettent au son de se propager, sans juger ces gestes à l’aune d’un référentiel unique et figé. Mon pouce gauche est trop haut ? Pas grave. Je revois encore ma professeure des premières années bataillant contre mon pouce et plaçant un bouchon de liège sous le manche pour m’obliger à y laisser un espace. Il n’y a plus d’espace ? Pas grave. Mon archet se balade un peu trop sur les cordes et ce n’est pas toujours élégant ? Si le son est là, ce n’est pas si important. Mon coude droit est trop bas ? Si c’est le prix à payer pour une épaule détendue et un archet qui pèse sur les cordes naturellement et sans les écraser, c’est bien.

Donc finalement, il ne s’agit peut-être pas tant de faire la chasse aux gestes parasites que d’assumer ceux qui permettent au corps de trouver un juste équilibre entre confort et efficacité. Laissons le corps faire son travail, en somme. Et soufflons un peu sur notre nuque avant d’entrer dans l’air ;)

Et vous, quels sont vos gestes au travail qui permettent l’efficacité et l’impact ? Quels sont ceux qui vous semblent parfois parasites ? Et que choisissez-vous d’en faire : les chasser ou les assumer ?

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